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Le Visage d'un Autre

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les avis de Cinemasie

4 critiques: 3.88/5

vos avis

13 critiques: 4.31/5



Xavier Chanoine 3.5 Radical et risqué
Ordell Robbie 4.5 un conte effrayant à la frontière de la Science-Fiction
Ghost Dog 3.75 Un tour de force visuel et thématique
drélium 3.75 Beauté froide
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Radical et risqué

Le Visage d'un Autre est une oeuvre importante dans le cinéma avant-gardiste voir "mise-en-gardiste" (osons le terme puisqu'il est bon ton de jouer avec les mots, paraît-il) de Teshigahara, et même si il peut paraître très souvent étiré sur la longueur, étiré sur les plans et dans son discours typé science-fiction décourageant car usant de figures de styles laissant une très grande place à notre propre réflexion sur un tel sujet. Teshigahara exploite alors les ficelles d'un scénario "cousu" main par Abe Kobo, une nouvelle fois adapté de son roman, et démontre les bouleversements occasionnés par le nouveau visage de Okuyama (Nakadai) aussi bien sur son entourage que sur sa propre petite personne. On apprécie le travail de Nakadai dans la dégradation de son personnage, non pas physique mais morale, et si son personnage semble être dans un état de bien-être permanent en première partie de métrage, on le verra petit à petit tomber dans le doute et la paranoïa sentimentale : mettre à l'épreuve et tester l'amour de sa femme (trouvant ainsi une relation avec Time de Kim Ki-Duk) est ainsi l'un des tournants du film aussi bien au niveau narratif que visuel. Le film se veut alors plus dur, l'éclairage diminue jusqu'à ne cibler que les personnages au premier plan, les cadrages deviennent aussi plus délirants notamment dans une séquence d'amour que n'aurait pas renié ni un Oshima ni un Jissoji période seventies, à l'époque où noir et blanc et dimension Nouvelle Vague donnaient du cinéma passionnant d'un point de vue formel.

Le Visage d'un Autre vaut aussi pour ses quelques séquences surréalistes : les premières étapes de transformation de Okuyama sont amenées de telle manière à ce que le masque apposé sur son visage paraisse des plus naturels, les décors de la salle d'opération peuvent donner la nausée à tout claustrophobe tant ils créent une rupture avec l'espace temporel et matériel, sans cesse "dérangé" par l'omniprésence de formes géométriques, le personnage de la jeune fille handicapée dérange le spectateur par son innocence quasi malsaine (d'où l'absence encore ici de personnages "rassurants" dans le cinéma de Teshigahara), la foule "sans visage" en fin de métrage aussi percutante que dans le fond osée (un impact aussi fort que les jeunes prisonnières lâchées dans les rues de Elle S'appelait Scorpion de Ito Shunya ?), et tout le récital formel de Teshigahara contribuent à la bonne réussite du film.



15 décembre 2007
par Xavier Chanoine




un conte effrayant à la frontière de la Science-Fiction

Avis avec SPOILERS

En adaptant un de ses romans au cinéma, Abe Kobo offre à Teshigahara une nouvelle réussite. Si l'on s'en tient à la mise en scène, Teshigahara utilise toute la batterie visuelle de son époque pour créer l'impression d'étrangeté: le défiguré filmé au travers des rayons X, les plans au travers des vitres du laboratoire ou avec des outils technologiques au premier plan, les gros plans sur les fausses mains et les masques, les téléobjectifs et les caméras portées documentaires créant des ruptures rythmiques dans un film assez lent. L'étrangeté est renforcée par le score de Takemitsu Toru oscillant entre cordes classiques et son arsenal habituel fait de répétition et de bruits venant de nulle part. Mais au travers de ce récit sur un homme défiguré qui d'abord hésite puis ensuite choisit finalement de se faire implanter un masque correspondant au visage d'un autre, Abe Kobo explore les questions du double et de l'identité: il le fait surtout dans une seconde partie du film beaucoup plus forte narrativement que la première même si cette dernière contient des éléments intéréssants (notamment le personnage de la femme très jolie physiquement qui cache avec ses cheveux sa joue défigurée et provoque l'effroi d'hommes qui veulent l'accoster lors d'une scène très forte ou encore les fous de l'asile qui se comportent encore comme si la guerre n'était pas finie, le difficulté d'intégration au monde du travail de ce défiguré qui vit le visage couvert de bandeaux).

L'intérêt de l'idée du masque est très bien exploité: si c'est un masque construit à partir du visage d'un autre, il s'adapte à celui de son possesseur. Nakadai Tatsuya est saisissant au cours de ces transformations. Mais c'est à une demi-heure de la fin que se situe le grand ressort dramatique du film: le professeur rêve d'un monde sans visage qui serait un monde sans crime vu que le coupable ne serait plus identifiable, Nakadai dit qu'avec le masque il ressent l'acoolisme de façon plus forte qu'avant, ce à quoi le professeur répond que les autres ne peuvent être aussi alcooliques que lui car ils n'ont pas d'alibi pour ressentir les choses de façon intense. Dès lors, Nakadai va pousser à l'extrême la notion de perte d'identité: il va essayer de séduire de nouveau sa femme.

Cet épisode débouchera sur un magnifique final où il poussera jusqu'au bout l'idée d'un monde sans visage comme monde où la transgression devient norme car assortie de l'impunité. L'identité, perçue durant tout le film comme une aliénation de l'individu (car c'est paradoxalement avec l'alibi du masque que l'on peut se révéler, la femme de Nakadai dans le film dira d'ailleurs qu'à l'origine pour les femmes le maquillage était un masque qui leur permettait de se dissimuler, ce à quoi on peut rajouter qu'en les embellissant il leur permettait vraiment d'etre elles-mêmes), redevient alors dans un final anticipant un monde sans visage le dernier rempart contre l'expression par l'homme de ses bas instincts. Avoir des actes en accord total avec ses pensées, n'est-ce pas le retour à l'homme comme loup pour l'homme?



12 octobre 2002
par Ordell Robbie




Un tour de force visuel et thématique

Le propos est un classique au Cinéma : traité par exemple aussi bien avant (Les yeux sans visage de Franju) qu'après (Volte/Face de John Woo), le thème de l'identité rattaché au visage d'un individu a effectivement de quoi faire philosopher. Teshigahara ne s'en prive pas à travers cet admirable essai, artistiquement très riche : une ambiance très particulière parvient à s'installer grâce à une lumière magnifique, à une composition des plans originale et à des dialogues très théoriques. Dans cet univers plein de faux-semblants, de rebondissements, de dissimulations, Nakadai se meut comme un poisson dans l'eau ; on scrute chaque imperfection de son visage pour bien se convaincre qu'il ne s'agit pas d'un masque, on salue l'exploit de maquillage lorsqu'il se promène avec un visage qui commence à friper au niveau du cou, on admire sa sincérité à vouloir reconquérir sa femme sous une autre forme physique.

Clou du spectacle, cette scène magique où une chanteuse japonaise aux cheveux courts et à la beauté magnétique entame les paroles d'une chanson dans un allemand parfait : le comble du trouble de l'identité, face à un homme sans visage qui ne se sent bien que dans l'obscurité. La mélodie trotte encore dans la tête bien des jours après...



18 décembre 2007
par Ghost Dog


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